lettre-Lyautey

Jean Henri Dollfus raconte son enfance dans l’immeuble du musée des familles Dollfus-Mieg-Koechlin. Extrait du Bulletin Koechlin N°27 de janvier 1992

 

Le Musée des Familles était installé, à Mulhouse, dans l’immeuble à arcades de l’avenue Joffre, situé entre la rue du Havre et la rue de la Bourse.
Cet immeuble était habité, entre les deux guerres, par les descendants d’Auguste Dollfus (Dollfus n° 450) : Max (Dollfus n° 453), auteur du Livre de Famille Dollfus qui était l’un des fondateurs du Musée des Familles, Emile (Dollfus n° 452) et Jean – mon père – qui était le fils d’Emile. Cest là que je suis né et que j’ai passé mes quinze premières années.
Le Musée était au deuxième étage dans l’appartement qui fait le coin de l’avenue Joffre et de la rue de la Bourse. Cet appartement avait été occupé, avant la guerre de 1914 par Madame Eugène Koechlin (Koechlin n° 154 et Dollfus n° 449), née Emilie Dollfus et sœur d’Auguste Dollfus. Elle a laissé un puissant souvenir dans la famille où on l’appelait Tante Eugène.
Enfant, j’avais découvert où était la clef du Musée et j’aimais y monter – nous habitions juste en dessous – pour regarder tableaux et objets. Il était installé dans plusieurs pièces, donnant sur l’avenue Joffre et le Jardin de la Bourse. La plus spacieuse, face à l’Hôtel de la Bourse, était pourvue d’une verrière et convenait très bien à un musée. Là régnait un très grand poêle en faïence, tout blanc, qui m’impressionnait fort.

Je me souviens particulièrement d’une vitrine où se trouvaient exposés des objets bien abîmés, ayant appartenu à un membre d’une de nos familles (un Engel, je crois). Ces objets ont été retrouvés dans l’épave du sous-marin Pluviôse avec lequel avait sombré notre parent.

 

L’autre souvenir marquant est celui d’un grand tableau représentant la scène où Jean Dollfus, ancien maire de Mulhouse, avait jeté à la tête d’un officier prussien, pendant la guerre de 1870, la décoration prussienne qui lui appartenait. Cet officier commandait une troupe qui prétendait rançonner Mulhouse et menaçait de tirer au canon sur les cités ouvrières.

lettre-LyauteyAutre souvenir : en 1934, le Maréchal Lyautey avait fait une visite officielle à Mulhouse et avait tenu à
visiter le Musée des Familles. La Maréchale, née Inès de Bourgoing (n° 744), était la fille d’Anna
Dollfus et la petite fille de Mathieu Dollfus et de Salomé Koechlin.
Mes parents, pour nous permettre de voir le Maréchal, nous avaient cachés, ma sœur aînée et moi, dans un coin, derrière une vitrine. Nous avions alors 8 et 10 ans. Les honneurs du Musée étaient faits par mon grand-père, Emile. Il avait trouvé un petit portrait de la grand’mère de la Maréchale qu’il avait mis en valeur et vers lequel il avait fièrement conduit Lyautey. Las, le Maréchal, tapant le sol de sa canne, s’écria qu’il était déjà venu au Musée des Familles où il avait vu un portrait de cette aïeule beaucoup plus grand et qu’il allait le présenter à mon grand-père, ce qu’il ne manqua pas de faire.
Lyautey avait l’œil : dans la suite de la visite, il nous a découverts, ma soeur et moi, dans notre cachette, s’est enquis de savoir qui nous étions et nous a embrassés, comme du bon pain, en nous disant : « mais vous êtes mes petits cousins »!

 

Musee-bombardementLes objets du Musée des Familles avaient été mis en caisse en 1939, bien à l’abri, fort heureusement, car une bombe a heurté de plein fouet l’immeuble proche de la gare durant l’été 1944 et les dégâts ont été très lourds (photo). L’aile où se trouvait la grande pièce avec la verrière n’a pas été reconstruite et la partie donnant sur l’avenue Joffre est redevenu un appartement.

Jean Henri Dollfus