Raymond Koechlin (1860-1931) a consacré sa vie à un idéal : servir l’art avec le souci constant d’en faire bénéficier autrui.

raymond-koechlin

 L’art japonais
Lorsqu’il découvre l’art japonais, Raymond Koechlin déclare : « Ce fut le coup de foudre. Pendant deux heures, je m’enthousiasmai devant ces estampes aux brillantes couleurs (…). J’admirai tout également (…). Le lendemain, surprise des étranges merveilles que je lui avais décrites, ma femme vint avec moi, et son exaltation égala la mienne (…). De ce jour date ma vie de collectionneur. Je lui dois quelques-unes de mes plus grandes joies1 »
C’est là qu’on voit l’intuition prophétique de Raymond Koechlin – car, à l’époque, les Européens cultivés ne voyaient dans l’art japonais qu’une « aimable mièvrerie2 » : « Sitôt le grand public entré en contact avec le japonisme, il y avait surtout vu un déballage de paravents, d’éventails et de parasols bariolés, de broderies trop riches, de porcelaines efféminées, de crêpons criards, de bibelots d’exportation sans valeur d’art qui envahirent peu à peu toutes les demeures et firent de chaque salon une manière de bazar oriental. En vérité, la pauvreté du décor de la vie en cette fâcheuse époque du Maréchal Mac Mahon et de M. Grévy expliquent la vogue de l’exotisme ; sans doute était-ce une réaction nécessaire, voire une utile transition… ».

La « collectionnite aiguë »raymond-koechlin-2

Le jeune Raymond, qui a alors trente ans, n’est pas encore dégagé des préjugés de son temps. Il n’appartient pas au milieu des arts et travaille comme journaliste politique au Journal des débats (suivant la trace de son père Alfred qui est lui-même un homme politique influent), comme il l’avoue au début: « Sans faire la part du bien et du mauvais, de l’excellent et du pire, j’embrassais alors tout le Japon dans une même et fort imprudente réprobation ». Nous sommes en 1890 et les milieux cultivés d’Europe sont très loin de la prise de conscience actuelle. Cependant, en découvrant l’art japonais, Raymond vit un coup de foudre. Il se lance alors, comme il le dit lui-même, dans la « collectionnite aiguë ». Il commence, bien sûr, par le vieux Japon, va continuer par la Chine, reprendra le Transsibérien pour revenir vers le monde musulman du Moyen-Orient, vers 1900 -pour revenir en France où l’art français du Moyen-Age retiendra toute son attention (alors qu’il était complètement oublié !). Pour terminer cet itinéraire de pionnier, il se passionnera, sur le tard, pour les Impressionnistes pour les Fauvistes (ces « barbouilleurs », comme on disait alors !). Sa passion pour la Beauté (avec un grand « B », toujours !) l’amène d’abord à quitter son métier de journaliste pour se consacrer entièrement à la promotion de ses enthousiasmes culturels – à la « promotion du patrimoine », comme on dirait aujourd’hui -mais ni l’expression ni l’idée n’avaient encore fait leur chemin dans la pensée de l’époque. A partir de 1895, Raymond consacre désormais toute sa vie et toutes ses forces à faire connaître le fabuleux passé artistique qu’il a découvert.

La conservation du patrimoine
Travail reconnu : il s’impose très rapidement comme l’arbitre suprême en matière de conservation du patrimoine. Il réunit autour de lui une équipe de spécialistes soudée par la passion du métier, et l’amitié réciproque tels Maurice Fenaille, Etienne Moreau-Nélaton, Gaston Migeon, Jean-Joseph Marquet de Vasselot, Lucien Henraux, Louis Metmau, etc. Après avoir participé à la Fondation de la Société des Amis du Louvre, il en accepte la présidence en 1911.

Ce qu’il nous a laissé

Raymond a publié les ouvrages suivants :

  • La sculpture à Troyes, en Champagne méridionale au XVI siècle avec son ami J.-J. Marquet de Vasselot.
  • Souvenirs d’un vieil amateur d’art de l’Extrême-Orient, édité par l’imprimerie française et orientale E. Bertrand, Chalon-sur-Saône, 1930

Des pièces issues de sa collection sont visibles dans de nombreux musée en France, notamment :

  • objets musulmans et japonais (musée Guimet)
  • Faïences et porcelaines (« Pont-au-Choux » du musée des Arts Décoratifs)
  • Vierge et l’enfant de Nenuccio di Bartolomeo (au Louvre),
  • nombreux dessins impressionnistes : Degas, Delacroix, Piot, Guys, Raffet (musée du Louvre, Cabinet des dessins)
  • La Roulotte de Van Gogh, Portrait de Claude Manet par Renoir, Portrait de Madame Monet par Monet (musée d’Orsay)

En savoir plus :